Pour une vie simple et une écologie des relations sociales – Encyclique Laudato Si’ du Pape François

Le Pape François 1er « est retourné à la maison du Père » le matin du lundi de Pâques, a annoncé le Cardinal Ferrel. Une annonce d’une grande tristesse même si son état de santé laissait entrevoir cette issue.

Les gens aimaient le Pape François pour son engagement en faveur de la paix, de la justice sociale, de la fraternité humaine, envers les faibles et les démunis. Sa proximité avec le peuple et les pauvres, ses prises de paroles courageuses, les réformes qui ont fait grincer des dents, un style pastoral innovant, en dehors de vieilles coutumes et de lourds protocoles, en ont fait un Pape atypique. Premier de son genre et éminemment politique, il était également un ardent défenseur de l’environnement. Premier, il l’était dans bien des domaines (Sources : Vatican news) :

  • 1er  Pape originaire d’Amérique latine
  • 1er Pape jésuite
  • 1er à choisir le nom de François
  • 1er  Pape à se doter d’un Conseil des cardinaux pour gouverner l’Église
  • 1er à visiter des terres jamais foulées par un Souverain pontife, de l’Irak à la Corse
  • 1er à confier des rôles de responsabilité à des femmes et des laïcs au sein de la Curie romaine
  • 1er à abolir le secret pontifical pour les dossiers d’abus sexuels et à supprimer la peine de mort des pages du catéchisme
  • 1er à signer une déclaration sur la fraternité humaine avec l’une des principales autorités de l’Islam, le Grand Imam Ahmed El-Tayeb, Cheikh de Al-Azhar, Président du Conseil des Grands Savants et de l’Académie de Recherche islamique.

Son pontificat ne saurait cependant se résumer à cela, surtout pour quelqu’un d’une aussi grande humilité.

Je l’aimais aussi, comme beaucoup de personnes, toutes croyances confondues.

J’ai commencé à m’intéresser au Vatican avec la présence sur Twitter devenu X du Souverain Pontife, @Pontifex en 2012, avec d’abord Benoit XVI, puis le Pape François.  Le courage et la constance des positions ont fait que c’était un des rares comptes que je suivais régulièrement. C’est bien connu que c’est le travail d’une équipe de communication mais cela reflétait la vision de ce Pape du Peuple, des faibles et des marginalisés, le sens qu’il voulait donner à ses années de pontificat.

La découverte de Laudato Si’, encyclique sur « la sauvegarde de la maison commune » a été une confirmation de l’acuité intellectuelle et de l’humanisme du Pape François.

Cette lettre adressée pas seulement aux évêques et fidèles catholiques mais « à chaque personne qui habite [la] planète» est une brillante plaidoirie pour « une écologie qui, dans ses différentes dimensions, incorpore la place spécifique de l’être humain dans ce monde et ses relations avec la réalité qui l’entoure. »

Laudato Si prend sa source du cantique de saint François d’Assise, « Laudato si’, mi’ Signore », – « Loué sois-tu, mon Seigneur », qui personnifie « la maison commune », la terre, comme une sœur et une mère. Saint François d’Assise, dont le dernier souverain pontife a pris le nom comme guide et inspiration pour reprendre les mots du défunt Évêque de Rome, était un amoureux de la nature, messager d’espoir, d’amour, de joie, de solidarité et le saint patron de l’écologie.

«Je crois que François est l’exemple par excellence de la protection de ce qui est faible et d’une écologie intégrale, vécue avec joie et authenticité. C’est le saint patron de tous ceux qui étudient et travaillent autour de l’écologie, aimé aussi par beaucoup de personnes qui ne sont pas chrétiennes. Il a manifesté une attention particulière envers la création de Dieu ainsi qu’envers les pauvres et les abandonnés. […]En lui, on voit jusqu’à quel point sont inséparables la préoccupation pour la nature, la justice envers les pauvres, l’engagement pour la société et la paix intérieure. » (Le Pape François)

Inspiré par son guide, Pape François a inscrit les préoccupations écologiques au cœur de l’Église et les a partagées avec tout humain, croyant ou non-croyant. Pour la sauvegarde de la création, l’avenir de la planète, il nous faut une nouvelle solidarité universelle nous dit le Pape François. Nous, humains, avons la responsabilité de prendre soin du monde qui nous a été légué, de le protéger, ainsi que tous les êtres humains qui en font partie.

Il met en évidence la relation entre la nature et la société qui l’habite quand on parle d’environnement. « Nous sommes inclus en elle, nous en sommes une partie, et nous sommes enchevêtrés avec elle. » Ainsi pour lui, il n’y a pas de crises environnementales et sociales séparées mais une seule, complexe, crise socio-environnementale. Les solutions possible requièrent « une approche intégrale pour combattre la pauvreté, pour rendre la dignité aux exclus et simultanément pour préserver la nature ». La protection de l’environnement (la création) est donc étroitement liée à la protection de la dignité humaine.

Pape François n’est pas le premier a lancé un appel au dialogue et à la responsabilité pour le bien de notre planète et de ses habitants. Il le souligne lui-même dans l’encyclique Laudato Si’, « Rien de ce monde ne [leur] est indifférent » ; du Pape saint Jean XXIII, à Pape Paul VI, au Saint Jean-Paul II, à son prédécesseur, Benoît XVI. Laudato si’ fait aussi référence à d’autres penseurs non catholiques comme le patriarche œcuménique orthodoxe Bartholomée ler et le soufi Ali Al-Khawas ainsi qu’à l’apport extraordinaire des peuples premiers.

Une écologie qui intègre l’humain et ses relations avec la réalité qui l’entoure

En six chapitres, l’encyclique du Pape François 1er s’appuie sur la science avec des données fiables pour faire l’état des lieux de la planète, analyse les racines profondes de la situation actuelle afin de penser une écologie qui « dans ses différentes dimensions, incorpore la place spécifique de l’être humain dans ce monde et ses relations avec la réalité qui l’entoure ».

L’obsession de la croissance économique, la culture du gaspillage, la question de l’eau, Le paradigme technocratique et consumériste, les dynamiques des moyens de communication sociale et du monde digital, les formes de pouvoir qui dérivent de la technologie ainsi que leur forte concentration entre les mains d’une petite partie de l’humanité, la grave responsabilité internationale et locale, les pays pauvres et leurs priorités, le principe du bien commun, la justice entre générations, l’éducation environnementale, la nécessité de préserver le travail, la créativité et la générosité, sont autant de questions importantes abordées par le Pape François dans Laudato Si’.

Le souverain pontife invite à engager un dialogue sincère, honnête et respectueux sur l’avenir de l’humanité. Il appelle à une «révolution culturelle courageuse », au retour à l’humilité, à la simplicité et à la «sobriété heureuse» afin d’éviter les dynamiques de domination et d’accumulation de plaisirs sans aucune limite qui ne peuvent que porter préjudice à la société et à l’environnement.

La lettre encyclique du Pape que je vous invite à lire, regorge de réflexions et d’enseignements précieux. Je partage avec vous quelques passages qui poussent à la réflexion dans le contexte actuel :

« Le changement climatique est un problème global aux graves répercussions environnementales, sociales, économiques, distributives ainsi que politiques, et constitue l’un des principaux défis actuels pour l’humanité. Les pires conséquences retomberont probablement au cours des prochaines décennies sur les pays en développement. »

« L’inégalité n’affecte pas seulement les individus, mais aussi des pays entiers, et oblige à penser à une éthique des relations internationales. Il y a, en effet, une vraie “ dette écologique ”, particulièrement entre le Nord et le Sud, liée à des déséquilibres commerciaux, avec des conséquences dans le domaine écologique, et liée aussi à l’utilisation disproportionnée des ressources naturelles, historiquement pratiquée par certains pays. »

« La dette extérieure des pays pauvres s’est transformée en un instrument de contrôle, mais il n’en est pas de même avec la dette écologique. De diverses manières, les peuples en développement, où se trouvent les plus importantes réserves de la biosphère, continuent d’alimenter le développement des pays les plus riches au prix de leur présent et de leur avenir. »

« L’augmentation du nombre de migrants fuyant la misère, accrue par la dégradation environnementale, est tragique ; ces migrants ne sont pas reconnus comme réfugiés par les conventions internationales et ils portent le poids de leur vie à la dérive, sans aucune protection légale. Malheureusement, il y a une indifférence générale face à ces tragédies qui se produisent en ce moment dans diverses parties du monde. Le manque de réactions face à ces drames de nos frères et sœurs est un signe de la perte de ce sens de responsabilité à l’égard de nos semblables, sur lequel se fonde toute société civile. »

En 12 années de pontificat, les 4 Encycliques du Pape, dont Laudato si’, pour la sauvegarde de la «maison commune» et Fratelli Tutti, sur la fraternité comme seule voie pour l’avenir de l’humanité, ses réformes engagées, ses prises de position pour la défense des migrants, l’environnement et la justice sociale ainsi que le dialogue interreligieux, ont fait de lui, pour certains, un Pape « woke » ou le Pape des « wokes ». Je fais partie de ceux qui auraient aimé qu’il soit « éveillé » un peu plus longtemps.

Il faut espérer que la lumière qu’était sa foi en l’humanité continue de briller, et qu’elle continue de faire son chemin dans le cœur des hommes, portée par d’autres guides éclairés.

Repose en Paix, Pape François.

Khady Sow

Sources :

https://www.vaticannews.va

Laudato si’ (24 mai 2015) | FrançoisFratelli tutti (3 octobre 2020) | François

Laisser un commentaire