Mois de l’Histoire des Noirs et Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine – Il n’y a aucune limite à célébrer notre histoire et souligner notre contribution à la société

Le Premier ministre Justin Trudeau annonçait, le 30 janvier 2018 que le Canada soulignera officiellement la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine. Une décennie proclamée par l’assemblée générale des Nations Unis, du 1er janvier  2015 au 31 décembre 2024  sous le  thème « Personnes d’ascendance africaine : considération, justice et développement » afin de souligner la contribution majeure apportée par les personnes d’ascendance africaine à notre société et de proposer des mesures concrètes pour promouvoir leur pleine intégration et pour lutter contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance. Une bonne initiative du Premier ministre que nous saluons et qui devrait se traduire par des actions concrètes de développement, de promotion et/ou de soutien à la promotion des activités desdites communautés.

La première action au niveau local serait une réelle prise de conscience de l’Histoire des Noirs au Canada et de l’importance de leur contribution. J’ai des doutes, quand je vois par exemple que dans mon comté, pendant deux (2) années consécutives aucune référence au Mois de l’Histoire des Noirs n’est faite par mon représentant à la Chambre des Communes. Le calendrier 2017 de mon député de circonscription faisait mention de presque toutes les dates symboliques, des commémorations, des festivals et autres réjouissances de la région. Aucune référence au mois de l’Histoire des Noirs. J’ai écrit, en ce temps-là pour attirer l’attention sur cet ‘’oubli’’. J’ai eu droit à un coup de fil pour me dire que c’était noté, et pour s’informer des dates et évènements à souligner. J’avais fait remarquer que le mois de février était dédié à la célébration de l’Histoire des Noirs et Mars pour le Patrimoine asiatique. Des célébrations relevant de motions votées au Parlement et au Sénat canadiens. Je pouvais donc raisonnablement m’attendre à avoir une petite mention dans le calendrier de cette année. Mais non! Rien du tout faisant référence à notre histoire. Et la même adjointe, au cours d’une discussion de me dire que c’est parce ‘’qu’ils ne pouvaient pas prendre tout un mois…’’ comme si c’était compliqué de mettre sous février la mention Mois de l’Histoire des Noirs! Je vous avoue que j’ai trouvé ces excuses lassantes, sachant surtout que la circonscription en question abrite une importante communauté afro-caribéenne qui célèbre depuis 14 ans le mois de l’Histoire des Noirs. Représenter des gens ne se limite pas à s’afficher avec un sourire kodak ou vouloir négocier un droit de parole à un évènement avec des airs paternalistes, mais c’est aussi s’intéresser vraiment à ce qu’ils sont, à leurs projets, leurs réalisations, soutenir leurs actions. Oui soutenir leur action mais c’est drôle comme souvent c’est la communauté pour laquelle ‘’il n’y a pas de budget’’, ‘’on est en fin de budget’’ et à qui ‘’on renvoie souvent les restrictions budgétaires’’… Et quand on accorde un soutien, dérisoire la plupart du temps on pense avoir tous les droits. Même celui de tenir des propos offensants et de se sentir outré quand on se fait répondre. On n’est pas des gens à qui on donne une bonne tape dans le dos et un beau sourire, voilà c’est emballé! Pour certains peut-être mais la plupart d’entre-nous voit au-delà de ça.

Nous sommes fiers de notre histoire et nous la portons en nous, chaque jour. Nous avons aussi beaucoup d’amour et  un immense respect pour ceux et celles qui la reconnaissent, la portent avec nous. L’histoire des Noirs au Canada fait partie de l’histoire canadienne. Nous sommes fiers de la célébrer et ne venez pas me dire, ceux que j’appelle les afro-nihilistes, que le mois de l’Histoire des Noirs n’est pas important à célébrer. Allez dire à un Irlandais qu’il faut en revenir de la Saint-Patrick, à un juif qu’il ne faut pas se souvenir de la Shoah! Mais c’est correct de dire à un noir que prendre un moment pour célébrer son histoire, souligner sa contribution à une société, à l’édification d’une nation, d’un continent, contribution qui s’est faite dans le passé par la souffrance, c’est vivre dans le passé, c’est faire du ghetto et toutes les autres absurdités que j’ai entendues.  Le plus surprenant pour ne pas dire choquant est quand l’un(e) d’entre nous le dit! Et non, souligner le passé ne signifie pas stagner ou ne pas avancer, il est juste important de savoir d’où l’on vient et que  notre héritage est valorisant. Il n’y a pas de limite à célébrer notre histoire, à la faire partager à la faire connaitre. Elle s’est écrite sur tous les continents, et le plus souvent par le sang. Des côtes africaines où des hommes, des femmes et des enfants ont été arrachés de force, à Selma ou Ferguson; des empires africains à l’esclavage et à la colonisation;  de la lutte pour les droits civiques à Black Lives Matter aujourd’hui. Elle s’écrit encore et toujours, à chaque combat gagné, à chaque accomplissement individuel ou collectif. Avoir honte de la célébrer c’est avoir honte de qui on est.

Enfant, j’ai été formée à l’histoire de mon pays, de mon continent et du monde. Adulte j’ai continué à me cultiver, à voir ce qui est beau dans chaque culture et chaque histoire, à lire, à voyager pour mieux connaitre la mienne ainsi que son évolution dans le temps et dans le monde. Au Canada, j’ai tenu à aller visiter la plupart des sites historiques, retraçant cette histoire. J’ai amené ma petite fille à Sissiboo Landing à Weymouth, au Black Loyalist Heritage Center à Birchtown, à Shelburne, à Lunenburg, au musée d’Africville et au Musée canadien de l’immigration d’Halifax entre autres.  Il était aussi important de faire ces voyages avec elle que de l’amener au Sénégal ou en Suisse. Nos enfants portent des identités multiples et, pour moi, chacune d’entre elles est importante et ne saurait être reniée. Je ne voudrais pour rien au monde qu’elle grandisse en ne connaissant pas cette partie de l’histoire de son pays et c’est pour elle surtout que je m’implique dans toutes les activités mettant en avant notre apport à la société pour qu’elle puisse vivre et s’épanouir dans un pays que l’on continue à construire; auquel elle et beaucoup d’autres apporteront encore leur contribution.

Je continuerai à célébrer le mois de l’Histoire des Noirs, chaque année et avec fierté!

 

Khady Sow

Éditrice Opale Magazine

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